À quoi joue Canal + ?

Guy Lacombe est donc le nouvel entraîneur du Paris Saint-Germain. Le dixième de l’ère Canal +. Après Arthur Jorge, Luis Fernandez, le duo Ricardo-Bats, Alain Giresse, encore Arthur Jorge, Philippe Bergeroo, encore Luis Fernandez, Vahid Halilhodzic et donc Laurent Fournier, Guy Lacombe s’apprête à diriger le club le plus compliqué de France.

L’ancien coach de Sochaux a été intronisé hier après-midi à ce poste par Pierre Blayau, le cinquième président du club de l’ère Canal. Avant lui, quatre hommes se sont succédés : il y a d’abord eu Michel Denisot, Charles Bietry, Laurent Perpere et enfin Francis Graille jusqu’au mois de juin 2005.

Je vous rappelle que Canal + a repris le club de la capitale à l’aube de la saison 1991-1992. Cela fait donc 14 ans et demi que la chaîne cryptée est à la barre du PSG. Si je fais quelques calculs simples, je m’aperçois que la durée de vie moyenne d’un entraîneur du PSG est d’environ 19 mois. Celle d’un président est un peu plus longue : 42 mois soit 3 ans et demi.

Si je ne tiens pas compte de la période Denisot (sept saisons entre 1991 et 1998) qui fut incontestablement la plus stable et la plus prolifique en titres (un titre de champion de France, trois Coupe de France, deux Coupe de la Ligue et une Coupe d’Europe), ces moyennes sont encore plus surprenantes. Ainsi, depuis 1998, le PSG change d’entraîneur tous les 15 mois et de président tous les 2 ans et 4 mois.

Au regard de ces chiffres inquiétants, je m’interroge : comment construire un projet sérieux sur des durées aussi courtes ? Pourtant, à chaque fois qu’un président est arrivé à la tête du club, le mot "stabilité" est toujours revenu dans les discours. Mais visiblement, continuité et stabilité sont deux termes qui disparaissent vite du langage présidentiel et qui déplaisent à la maison-mère : Canal + !

Il faut en effet savoir que chaque décision est validée par la chaîne cryptée. Les cinq présidents qui ont dirigé le PSG depuis 1991 ne sont que des présidents-délégués et ils ne peuvent donc agir sans le consentement de Canal +. De son côté, la chaîne privée doit aussi obtenir le feu vert du groupe Vivendi, propriétaire de Canal +. Bref, dans cet organigramme bien compliqué, il est difficile d’y voir clair et surtout de savoir qui dirige vraiment le PSG.

L’Olympique Lyonnais est souvent cité en exemple par de nombreux clubs professionnels, y compris le club parisien. Mais à Lyon, on a su être patient car l’équipe rhodanienne ne s’est pas construite en un jour. Aulas est en effet président de ce club depuis plus de 18 ans. Certes, il doit rendre des comptes à son conseil d’administration mais il a un véritable pouvoir décisionnel que n’ont pas les présidents du Paris Saint-Germain.

Aujourd’hui, quelle est donc la stratégie de Canal + et donc de Vivendi vis-à-vis du PSG ? Pendant un long moment, il a été question de vendre le club parisien. Francis Graille, le prédécesseur de Pierre Blayau, devait d’ailleurs devenir actionnaire du club. Mais il n’en a rien été puisque Vivendi et Canal + ont pris un virage à 180 degrés et ont décidé de conserver le PSG dans leur giron. Mais jusqu’à quand ? À l’heure actuelle, personne n’est en mesure de répondre à cette question.

Pourtant, pour le bien du club parisien, il m’apparaît nécessaire voire indispensable que Vivendi via Canal + se désengage à court terme du PSG. Reste maintenant à trouver un repreneur sérieux, ce qui n’est pas la chose la plus aisée, et de mettre à la tête du club un homme qui a une excellente connaissance du monde du football afin que les erreurs du passé ne se renouvellent pas notamment en matière de recrutement où des millions d’euros ont été investis en pure perte. Je pense à des joueurs comme Luccin, Dalmat, Okocha, Anelka, Cardetti, André Luiz, Boskovic ou Semak qui n’ont jamais été à la hauteur des investissements réalisés. Et que dire des millions dépensés en indemnités de licenciement versées aux entraîneurs limogés. Il y a quelques jours seulement, les prud’hommes viennent ainsi de condamner le PSG à verser 3,5 millions d’euros à Vahid Halilhodzic, somme correspondante à la subvention que la mairie de Paris verse chaque année au club. Les contribuables parisiens apprécieront certainement ! Enfin, que dire de l’affaire actuellement entre les mains de la justice et qui concerne des commissions occultes versées à certains joueurs au moment de leur signature au PSG et dans laquelle l’équipementier Nike est impliqué.

Bref, la gestion du PSG par Canal + est loin d’être parfaite. Depuis la fin de l’ère Denisot, le club parisien navigue en eaux troubles et a perdu sur le plan national et européen la notoriété acquise entre 1991 et 1998, période durant laquelle le PSG a fait trembler les plus grands clubs d’Europe en disputant cinq demi-finales européennes d’affilée et en remportant une Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe.

J’espère sincèrement que Guy Lacombe réussira à construire un projet sérieux et ambitieux, et qu’il arrivera à rester en poste jusqu’à la fin de son contrat qui expire en juin 2008. Un beau challenge en perspective pour cet homme qui entraîne pour la première fois de sa carrière un grand club de football !